Projet de Naissance

Projet de Naissance

Comment se préparer à une naissance respectée, avec Sophie Lavois, spécialiste des choix et droits en périnatalité depuis 1999.


La naisssance d'Achille

Publié par Sophie Gamelin-Lavois sur 22 Avril 2009, 19:43pm

Catégories : #Récits de naissances


Dès que nous avons su que j'étais enceinte, j'ai émis le désir d'accoucher chez moi. Mon envie, et mon projet étaient que mon corps et celui de mon bébé soient respectés. Je garde un mauvais souvenir de la naissance de ma fille aînée et je souhaitais ardemment vivre une expérience plus heureuse et humaine pour ce bébé.

Après concertation, et à défaut de maison de naissance dans la région, mon chéri a accepté de me faire confiance et de partir avec moi pour une naissance à la maison. Nous avons trouvé deux adorables sages-femmes pour suivre ma grossesse : l'une ou l'autre viendra le grand jour en fonction de leurs permanences.

Ma grossesse s'est bien passée du point de vue médical, par contre elle a été assez éprouvante pour moi : dès le premier mois les nausées m'ont empêché de dormir, ensuite j'ai commencé à souffrir du dos, puis les contractions nocturnes ont commencé dès le sixième mois. Malgré le bonheur d'attendre un enfant, je garde de cette grossesse le souvenir de longues nuits à souffrir, toute seule dans mon salon, pour ne pas déranger le reste de la famille. J'ai profité de toutes ces nuits blanches pour me documenter sur le processus naturel de l'accouchement, et lire des témoignages de femmes ayant accouché naturellement chez elles.

Grâce à mes lectures l'idée m'est venue que j'étais capable d'accoucher par moi-même, que ce savoir était inscrit quelque part dans mon cerveau et que je n'avais qu'à laisser les choses se faire et écouter mon instinct. J'ai tellement pris confiance en moi que je n'ai même pas souhaité faire des séances de préparation à l'accouchement.

Une nuit les contractions sont plus intenses et rapprochées et vers 4h du matin je vois et je sens la tête du bébé qui passe vers le bas. J'écris sur mon blog que : " ça y est, il s'est tourné. " Nous sommes le 2 mars et nous sommes à 33 semaines et demi. A 34 semaines je passe la dernière échographie et là : catastrophe, l'échographiste m'apprend que le bébé s'est remis tête en haut et qu'en plus il a le cordon en écharpe. Je suis effondrée : mon rêve de donner naissance à mon bibou dans mon foyer s'écroule. Nos deux sages-femmes refusent les accouchements en siège. Il me faut plusieurs jours pour dédramatiser et reprendre les choses en main.

Je fais des recherches et j'essaie tout ce que je trouve : acupuncture sur les pieds, pont indien, parler à mon bébé lui faire comprendre pourquoi il doit se remettre tête en bas, quelles sont mes peurs si il ne le fait pas, etc. Quelques jours après, nouvelle consultation chez la sage-femme, vers 35 semaines donc. Elle me rassure : bébé a beaucoup de place, il peut se tourner jusqu'à plus de 37 semaines pour une seconde grossesse, et le cordon en écharpe ce n'est vraiment pas un problème pour elle. Et d'ailleurs, à l'examen, le bébé s'est remis tête en bas.

Je suis rassurée, bibou pourra naître à la maison, à condition toutefois qu'il accepte d'attendre jusqu'à 37 semaines. Soit 12 jours. Nouvelle pression : mon enfant veut sortir, je le sais, je le sens. Toutes ces contractions, sa tête qui appuie fort sur le col, j'essaie d'aller à contre courant, de le retenir. J'ai peur d'un accouchement prématuré. Alors je continue à parler à mon bébé, je lui explique qu'il doit attendre, qu'il est trop tôt , que sa naissance ne pourrait pas se faire dans de bonne conditions.

36 semaines et demi, nouvelle consultation tout va bien, mon petit loulou se porte bien et le col est déjà complètement effacé, la tête est toujours en bas. Françoise, notre sage-femme me dit que la prochaine fois qu'on se verra, ce sera pour le grand jour, et que c'est pour très bientôt. En sortant de chez elle nous filons faire la dernière prise de sang pour une éventuelle anesthésie, et chercher le matériel dont nous aurons besoin pour le bébé et moi.

Quelques jours passent, Frédéric demande au bébé d'attendre le dimanche pour arriver. Cela va faire une semaine déjà que je suis en pré travail : quelques contractions douces, le bébé qui appuie sur le col et écarte mon bassin, mais avec douceur et je n'ai quasiment pas mal. Je bois des litres de tisane de feuilles de framboisier pour favoriser la dilatation. Hier je n'avais carrément plus de contractions, j'ai commencé à ronchonner : j'ai passé 1 mois à retenir ce bébé et voilà qu'il ne veut plus sortir ?

Nous sommes donc dimanche 26 mars. Aujourd'hui je suis toute seule à la maison, comme j'aime. Dès le matin je ressens des contractions, légères, un peu douloureuses mais sans plus, et régulières, 15 minutes d'intervalle, par périodes d'une heure, puis ça s'arrête, ça reprend etc. Je sens bien que ce n'est pas un faux travail, je sais que bébé va arriver ce soir. Je pars marcher au bord de la rivière, pour la première fois depuis longtemps car la marche m'était interdite. Assise au soleil au milieu des pâquerettes j'explique à mon bibou que c'est une belle journée pour venir au monde, que nous l'attendons et que nous l'aimons déjà très fort.

Frédéric me téléphone dans la journée pour prendre des nouvelles, je lui dis que c'est le jour J mais qu'il peut prendre son temps, tout va bien pour l'instant. Vers 16 h je préviens Alix, notre grande fille de 12 ans qui dormait chez une copine. Je lui dis que le bébé va arriver et que je n'irais pas la chercher. Je suis parfaitement détendue et sereine, à la maison je me mets en paréo et tee-shirt et je rassemble près de la cheminée tout ce dont je vais avoir besoin pour la naissance. Je préviens Françoise, notre sage-femme, que mes contractions sont régulières. Pour elle c'est sûrement encore un faux travail. Je ne la contredis pas et je poursuis mes préparatifs.

Vers 18 h tout le monde est à la maison. Alix est venue prendre ses affaires de classe et m'embrasser avant le grand moment. Elle est plus stressée que nous et demande à être tenue au courant des événements minute après minute. Je lui donne des fleurs de Bach, et lui promet de l'appeler. Vers 20h je me mets dans un bain, Alix part à 20 h 15 et nous pouvons enfin retrouver notre sérénité. La poche des eaux s'est rompue dans la baignoire à 20 h 30. Je rappelle Françoise pour l'informer, elle ne viendra pas tout de suite, et attend qu'on la rappelle dès que les contractions seront plus proches. Je sors de l'eau et retourne dans le salon.

Frédéric a installé les matelas comme je le voulais et fait un feu. C'est décidé depuis longtemps, je veux accoucher devant une bonne flambée. L'ambiance est très zen : bougies, huiles essentielles, musique douce … Le travail s'accélère, les contractions sont intenses mais je gère bien la douleur, je marche devant le feu, et dans les moments très douloureux je m'appuie à la cheminée et je souffle.

Quand mes contractions sont à 3 minutes Frédéric appelle Françoise. Elle sera là quelques minutes plus tard. Elle m'examine à son arrivée : je suis dilatée à 6. Je poursuis le travail toujours dans la sérénité, je me sens mieux à ce moment là à 4 pattes en appui sur mon ballon. On me laisse tranquille, je n'ai pas envie de parler. Françoise me propose de m'examiner à nouveau, je refuse et elle n'insiste pas. Lorsque je perds le bouchon muqueux elle me suggère de terminer la dilatation dans le bain. Frédéric me le prépare.

L'eau chaude me fait du bien, et je suis à dilatation complète quelques minutes plus tard, il est environ 22h 30. Je commence à avoir envie de pousser. Françoise me propose d'expulser dans la baignoire. Pourquoi pas ? Les contractions sont de plus en plus intenses, je pousse un cri pour la première fois, ça soulage. Je commence à pousser avec l'aide de Françoise, je sens le bébé avancer, poussée après poussée, j'ai même l'impression qu'il reste coincé dans mon bassin mais il remonte à chaque fois. Finalement je sors de la baignoire et retourne sur mes coussins devant le feu.

On m'aide à m'installer pour que je me mette comme je me sens bien, avec une jambe relevée pour écarter le bassin au maximum. Et je pousse encore, et encore. Au bout d'un temps assez long Françoise me dit qu'elle pense que le bébé a une bosse sur la tête, et c'est ce qui fait qu'il a du mal à passer le col. Elle me fait changer de position pour vérifier, m'examine mais ne me dit rien. Je continue à pousser. Heureusement je peux manger et boire, entre deux contractions je reprends des forces.

Au bout d'encore une heure Françoise me dit : " Je vais te dire pourquoi tu n'arrives pas à le sortir, il se présente en siège ! " Elle s'en doutait depuis un moment mais ne voulait pas me le dire pour ne pas me faire paniquer. Je ne panique pas, mais à partir de ce moment là je me laisse complètement diriger. Françoise m'explique que les fesses étant moins dures que la tête le bébé ne reste pas là où la poussée l'a amené, il remonte. Il faut pousser encore plus fort. Message reçu, je pousse de plus en plus fort ; et je crie aussi de plus en plus fort. Frédéric n'assiste pas à l'accouchement. Je le sens qui va et vient dans la maison, prêt à assurer l'intendance. Mais quand je lui demande de venir m'aider il refuse. Tant pis, je sais que c'est trop dur pour lui.

Je continue à pousser, je suis de plus en plus fatiguée, et j'ai de plus en plus mal. Mon chéri vient me finalement me rejoindre et m'encourager, et là il se produit le phénomène que j'attendais : je déconnecte le cerveau conscient. Animée par une force quasi animale je pousse plus fort que jamais, j'ai horriblement mal, je crie très très fort aussi. Le bébé passe le bassin et sort enfin !!! Je vois Françoise qui décoince les bras du bébé en passant ses mains, ça brûle fort mais ça passe vite. Elle m'encourage à attraper moi-même mon bébé, c'est une sensation très étrange que de saisir ce petit corps complètement plié en deux, il est comme compacté. Le temps d'une autre poussée pour dégager la tête et j'ai enfin mon bébé sur ma poitrine.

Tout son corps se déplie, il se détend. Je le caresse et il ne bouge pas. Françoise me dit que le cordon bat encore mais m'encourage à le faire respirer. Je lui souffle sur le nez sans conviction. Elle insiste, et lorsque je lui demande ce qu'elle craint elle ne répond pas. Je suis toujours dans un état second, je n'ai pas encore repris mes esprits, c'est peut être pour ça que je ne réagis pas à son inquiétude. Elle finit par lui chatouiller les côtes et il respire. En fait le cordon s'est coupé seul dans mon ventre, à 15 cm du placenta.

Mon bébé va bien, il bouge et il respire, et j'ai l'immense privilège de découvrir par moi-même que c'est un garçon !!! Mes souffrances ne sont pas encore terminées, le placenta s'est décollé mais ne sort pas. Françoise craint une hémorragie et veut le faire sortir. Elle appuie sur mon ventre si douloureux tout en s'excusant, de nouveau je crie mais cette fois-ci j'ai mon bébé sur moi.

C'est enfin fini. Il est 2h 10 du matin, j'ai poussé durant plus de 3 heures. Tout mon corps est tétanisé, on doit m'aider à déplier mes jambes. Pour Achille c'est le contraire, ses jambes sont raidies en position tendue. Il a un énorme bleu sur la fesse par laquelle il s'est présenté. Et sur les jambes aussi. Françoise restera avec nous jusqu'à 4h du matin.

Le premier examen du bébé est rassurant, il n'a pas de luxation des hanches, et pèse 3kg 500. On ne le mesure pas pour ne pas lui faire mal aux jambes. Françoise me dit alors qu'avec un bébé de ce poids en siège, on ne m'aurait pas laissé accoucher naturellement en structure, et qu'on m'aurait fait d'office une césarienne.

J'ai eu beaucoup de chance d'être en d'aussi bonnes mains. Françoise n'a pas perdu son sang froid quand elle s'est rendue compte de la présentation. Elle a pris ses responsabilités et nous a fait confiance à Achille et moi. De cette façon, elle nous a évité un transfert en maternité qui aurait été assez stressant pour tous, et une césarienne en urgence. Elle qui refuse en général de faire un siège à domicile, elle a eu les bons gestes pour nous aider tous les deux à mettre Achille au monde. Je lui suis très reconnaissante.

Je serai incapable de dire à quel moment du travail Achille s'est retourné. Je ne l'ai pas senti. Il faut bien admettre que ce bibou a fait finalement ce qu'il voulait : sortir par les fesses. Il ne s'était mis en position céphalique que pour me faire plaisir et nous permettre une naissance à la maison. Quelles que soient ses raisons, quelle que soit la douleur, cet accouchement s'est quand même déroulé pour moi de la meilleure façon qui soit.

Isabelle, avril 2006.
alisabel(arobse)hotmail.fr
Blog : http://biboudavril.over-blog.com/
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