Projet de Naissance

Projet de Naissance

Comment se préparer à une naissance respectée, avec Sophie Lavois, spécialiste des choix et droits en périnatalité depuis 1999.


Justine (trois naissances)

Publié par Sophie Gamelin-Lavois sur 24 Avril 2009, 16:26pm

Catégories : #Récits de naissances


Souvenirs de naissances

Il fallait bien que je la raconte un jour, cette histoire... Mais, quand la faire commencer ? Et puis, ces sensations tellement fortes : qu'en ai-je gardé ? Un souvenir enjolivé par le temps ? La mémoire dans les profondeurs de mon corps, les frissonnements d'une trace ? Que saurai-je en dire maintenant ?

Tu vois Séverine, tu me demandes une histoire, et je vais en raconter une plutôt longue... C'est l'histoire que je fais maintenant, à 47 ans de paysages rencontrés sur le chemin qui m'a conduit à aujourd'hui. J'ai des souvenirs sublimes et grandioses qui me font encore frémir de plaisir ; mais ce frémissement, je le dois à l'empreinte en quelque sorte, que je vais interpréter avec mon regard actuel comme je pourrai le faire avec une photo ou un enregistrement.

En premier, je dois dire les mots avec lesquels ma mère m'a parlé de ma naissance ; je les ai entendus plus d'une fois et leur saveur a pu changer ou s'amplifier aux différents carrefours de ma vie. Je suis née d'amour au cours d'une escapade en moto... ma mère est encore fière de m'avoir promenée en vélo jusqu'au dernier jour, un jour de neige en février. Elle raconte un travail facile et un "débarquement explosif": tu m'as complètement déchirée...! Je pesais 4500g pour ma mère de 1,57m, c'était l'époque des bébés "Cadum" (pub )! ;-)) J'avais les doigts si longs que le médecin a décrété que j'avais des "mains de sage femme" !!! J'ai aussi entendu parler d'une hémorragie quelques heures après, dans la chambre, et de la voisine qui l'a sauvée en appelant l'infirmière... Rien d'autre, une histoire d'accouchement de l'époque, simple.

J'ai grandi, découvert (bien incomplètement) les mystères de la vie avec le programme de terminale... J'étais déjà athlète de niveau national, je connaissais bien mon corps, j'aimais sa puissance et redoutais ses défaillances.

Quand est venu le désir de faire un enfant, j'étais hyper confiante dans mes capacités. C'était l'ère Leboyer, nous étions complètement orientés vers l'accueil respectueux du bébé, la péridurale et l'échographie étaient balbutiantes, les consultations prénatales peu nombreuses. J'ai vécu la grossesse en état de grâce... Quand la poche des eaux a inondé le lit a 38 SA, c'était comme un soir de Noël ! Nous sommes partis à l'hôpital dans l'impatience d'un cadeau merveilleux. Bien sûr, je me suis retrouvée en "salle d'attente", une salle commune d'une dizaine de lits pour les attentes d'accouchement et d'IVG !!! J'ai passé la journée à faire des aller-retours aux toilettes (un peu gênée de passer avec mon gros ventre devant les femmes qui attendaient leur IVG...) et un ouvrage de canevas pour passer le temps...

Michel avait été renvoyé... Je sentais bien les contractions, mais comme une promesse de la naissance imminente de mon bébé, j'étais heureuse de sentir ce travail engagé par surprise se poursuivre de plus en plus intensément. Lorsqu'une sage femme est venue prendre des nouvelles dans l'après midi, elle n'a eu qu'une hâte : appeler Michel et "me passer en salle", la dilatation était complète ! Je voyais s'approcher l'instant tant attendu et je sentais la tête tout près de la sortie ; je n'ai pas de souvenir du monitoring, ni de perfusion, seulement du toucher vaginal d'une élève que j'ai injurié...

"On" m'a dit de pousser, mais évidement je n'y arrivais pas dans la position allongée et je me tortillais dans tous les sens... puis j'ai senti mon sexe qui brûlait, brûlait d'une façon insensée, il n'existait plus rien autour de moi que ce sexe en feu...j'étais dans un brouillard diffus, j'étais en feu, j'allais mourir... et la tête est sortie (et là, j'écris tout doucement, comme pour prolonger l'instant...) et j'ai senti glisser ce doux, ce chaud... et j'ai tendu les bras comme dans un rêve alors que mon sexe battait de plaisir... Yann "atterrissait" entre mes seins, il sentait bon "le dedans" !

Dure réalité hospitalière, on a enlevé "mon" fils, Michel court derrière, on l'arrête : nursery interdite à l'époque. Quand il revient, très vite, la sage-femme est gênée : il a les pieds bots... et une division palatine ! Je me souviens avoir plaisanté : "et à part ça, il est normal ?" mais surtout, la question : "est-ce que je peux l'allaiter?". La sage-femme a dit "oui" du style : tu peux toujours essayer... C'était tout ce que je voulais entendre. Plus rien n'avait d'importance, l'épisiotomie (ah oui, avec un périnée de sportive "on" était obligé !!...), les pieds bots, la division palatine... je suis devenue mère, mon fils lèche le sein, Michel nous caresse...

Deux ans plus tard, Eric arrive à 37 SA. Cette fois-ci, la poche des eaux reste intacte, les contractions sont suffisamment intenses pour que je sois sûre de leur efficacité, je n'ai toujours pas de souvenir de douleur; simplement d'une emprise ample et puissante qui revient de plus en plus souvent et de l'appui de la tête qui me gêne pour marcher. Cette fois ci, je "sais" pousser et tous le staff présent (pensez à l'hôpital, un bébé de 37 SA!!) n'a encore une fois pas le temps de dire ouf... Et à nouveau cette impression de mort imminente, ce feu du sexe ; beaucoup plus rapide cette fois ; et la coulée, la glissade du bébé hors de moi... et ce sexe qui bat, comme après l'amour... un orgasme, je n'avais pas rêvé, c'est bien le souvenir que j'avais gardé de la naissance de Yann !!!

Deux heures après, je descends les escaliers avec mon fils dans les bras, le lendemain, je rentre à la maison.

Six ans s'écoulent avant que Brice pointe son nez dans les escaliers de la clinique ; j'ai à peine senti les contractions pendant deux heures... Cette fois, je ne me souviens pas d'avoir eu la sensation de mort (peut-être à cause du branle-bas-de-combat qu'on a déclenché dans les escaliers !!!) et la jouissance a été vite expédiée (encore "à cause" des escaliers !)... Je repars le jour même avec le bébé sous le bras.

Encore trois ans et Axel m'offre le bouquet final du feu d'artifice de mes accouchements. Ma vie a changée, je n'arrive pas à exercer mon métier de prof de sport comme je l'entends et je viens de passer le concours des écoles de sages-femmes (tiens, tiens ;-) ...) Je ne connais rien de ce métier, mais je sais que je ne ferais pas d'autre bébé et j'ai envie d'en voir encore... j'ai aussi envie de promouvoir une autre naissance... et je pense très fort que la naissance conditionne la vie d'adulte... Je découvrirai plus tard que ces bonnes raisons en cachaient d'autres bien plus profondes...

Et donc, je suis enceinte. Nous habitons l'Île de la Réunion, le climat est tropical ; je profite de cette dernière grossesse programmée, présente à toutes les caresses du dedans et du dehors... j'envisage la naissance à la maison, je n'ai aucune connaissance de la possibilité d'avoir une sage-femme pour l'accouchement, je m'imagine bien toute seule... Je n'en parle pas à Michel, je n'ai pas confiance dans sa réaction... et puis, je n'ai jamais eu besoin de lui, j'avais même pas du tout envie qu'il soit là... comment lui faire comprendre ça ???

Axel est installé en siège décomplété, comme je n'y connais rien, ça ne m'inquiète pas du tout et je balaie les commentaires du genre : "ma pooovre fille, un siège, c'est terrible..." J'ai complètement confiance dans mes capacités. Etait-ce folie, inconscience... ou présence ?

A 37 SA comme les autres, le travail s'annonce. Je viens d'accompagner Brice à l'école, la maison est calme. J'ai juste le temps de prendre une douche que je sens un appuis en bas, je sais que la naissance est proche. J'avais pensé à m'installer dans la salle de bain pour des raisons "d'intendance": carrelage, douche, serviettes...

J'en suis donc à m'essuyer tranquillement quand je sens l'appui plus pressent, mais pas du tout brûlant comme j'en avais le souvenir. Je m'accroupis et regarde la poche des eaux sortir de mon sexe, à chaque contraction, je sens glisser le bébé à l'intérieur, je me laisse envahir par ce glissement si doux..., la poche des eaux éclate sous la pression, je me soulève un peu, surprise. Je ne peux plus bouger, je tire une serviette pour la poser par terre...

Je ne peux plus bouger, je suis accroupie dans le coin entre le mur et la baignoire, je sens glisser en dedans, je sens mon sexe s'écarter, c'est tellement doux... Je n'ose pas regarder, je n'en suis pas à regarder, le bébé sort, je le sais... je sais même qu'il a déjà touché terre... je ne sais plus trop quoi faire... je prends appui sur la baignoire pour me soulever un peu... plop ! les jambes sont sorties... hop, la tête aussi...

Pas de brûlure, pas de mort à venir, tout tranquillement, tout doucement, il a atterri pour de vrai, posé la sur la serviette, il ne pleure pas... C'est un garçon, je le prends et je m'assoie contre le mur... il fait chaud soudain...je renifle cette odeur du dedans, j'ai envie de le lécher... il ne pleure pas, mais je sens sa respiration... On est tous les deux... et là maintenant, mon sexe qui bat, la jouissance qui m'envahit, me débranche.......

Je reprends contact avec le temps, le placenta est sorti, et comme je l'ai déjà raconté j'étais bien embêtée avec ce bébé attaché à son placenta : "bébé lotus", je n'avais jamais entendu parlé ;-) La suite est aussi simple, et j'en ai déjà un peu parlé. Voilà. Je ne sais pas ce que vous entendrez de cette histoire, j'ai revécu pleins de souvenirs à l'évoquer, des bons souvenirs, je me suis souvent arrêtée pour ramener à la surface les sensations et en jouir encore un peu... Il y aurait sans doute encore beaucoup à dire, je pense avoir écrit l'essentiel.

Justine
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